Pour être franche, j'aurais presque aimé commencer à vous raconter mon bout de vie en débutant par un gros drame, ou un truc extraordinaire, vous saisissez, n'importe quoi qui puisse sortir du commun. Mais non. Ma vie, jusqu'à mes seize ans du moins, a été d'une banalité à pleurer. Je suis née il y a vingt ans à Malone, état de New York, Etats Unis d'Amérique, 6,075 habitants, et un climat pas vraiment digne des tropiques. Ma mère débarquait fraîchement des quais brumeux de Cork, en Irlande, quand elle a rencontré mon père au North Country Community College où elle venait étudier pour l'année, et dont l'un des campus était basé à Malone. Oui, c'est une particularité de ma famille, surtout de mon père, cette faculté à faire l'huître et à ne se détacher pour rien au monde du petit rocher qu'est Malone.
Un an seulement après leur rencontre, ma mère apprenait à mon père qu'elle attendait un heureux évènement. Eux, dans leurs têtes de jeunes adultes de vingt-deux ans, encore au fond d'eux des enfants, ont pris cela pour une bénédiction du ciel, alors qu'il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un accident.
Plus j'y repense, plus je me dis que tout est allé trop vite dans l'histoire de mes parents. Peut être ont-ils voulu, au fond d'eux, quitter la médiocrité de Malone, mais n'en ont jamais eu l'occasion. Car une fois qu'eux deux avaient décidé de me garder, ç'a été un branle bas de combat : annonce aux futurs grands-parents, mariage pour sauver les apparences (oui, il faut savoir que dans une ville comme Malone, elles sont tout), emménagement dans un petit appartement -oh non, personne ne devait savoir que ce gosse n'était pas voulu, arrêt des études, bref, en neuf mois, Geena et Miles Kinsella avait accompli plus de choses dans leur relation que n'importe qui. Toutes les étapes avaient été brûlées, et pas même par eux, mais par des parents désireux de paraître bons.
La seule chose qui leur appartenait véritablement, c'était ce petit bébé, moi. Jusqu'au bout, en croyant à diverses théories de bonne femme, mes parents ont été persuadés qu'ils allaient avoir un petit garçon. La chambre avait été peinte en bleu, et mon père était surexcité à l'idée de pouvoir apprendre à jouer au foot à un petit garçon.
Lorsqu'il s'est avéré, le premier jour de juillet, jour où je suis venue au monde, que j'étais une petite fille, et mes parents auront beau me dire le contraire, je suis certaine qu'ils ont été déçus. Je l'aurais été. Mais quand même, à chaque fois que j'y repense, je me dis que j'ai été un double échec avant même d'être née.
Cependant, au final, le fait de m'être appelée Orphée au lieu d'Henry n'a pratiquement rien changé, et papa m'a élevé comme un garçon. A l'âge de un an, il me tenait par les mains, posait un ballon devant moi, et me disait "Tape, Orphee, tape !" Et au lieu de lui en vouloir à mort, je crois que je lui en suis reconnaissante d'avoir insufflé le soccer en moi depuis ma prime jeunesse. Maman, elle, observait, en rigolant, son époux enseigner les règles du foot à sa fille, en lui enfilant ses chaussettes blanches et ses crampons noirs, juste avant le premier entraînement. Maman a toujours été là, vous savez, mais plus en tant que spectatrice, jamais en tant que membre de ma vie à part entière.
J'ai toujours été la seule fille de Malone à jouer au foot. A un moment, je me souviens même avoir demandé à maman de me couper les cheveux tout court, comme un garçon.
La première pratique de soccer fut désastreuse. Le coach, Niki, faisait tout pour que ses "p'tits gars" ne me passent pas le ballon, et la fois où il l'ont fait, je me ridiculisais en faisant n'importe quoi. A la fin de l'entraînement, Niki s'était approché de moi, et m'avait dit "C'est pas pour les fillettes ici, Kinsella. Si tu reviens, soit on peut te traiter comme un homme, soit tu restes sur la touche"
Je n'ai jamais manqué un seul entraînement après ça, j'ai tout fait pour être traitée comme un garçon, et, après quelque mois, j'étais devenue l'égale de mes coéquipiers. Mais au fur et à mesure que les années passaient, emplies de foot et de matchs et de victoires, et peu, si peu de défaites, il se trouvait que je devenait bien meilleures que mes team mates, et, arrivée à seize ans, âge où la mixité des équipes n'était plus autorisée, un vieux recruteur des New York Red Bulls faisait signer à mes parents l'autorisation de me faire entrer comme boursière dans l'Académie New-Yorkaise de Soccer, élite américaine du foot, antre des futurs champions. Trois semaines plus tard, je débutais dans ce nouveau monde, bourré de californiennes, new yorkaises et autres filles de ce genre, habituées à la gloire des championnats nationaux, aux paillettes et aux limos. Envers et contre tout, elles allaient devenir, au choix, mes coéquipères, ou mes pires ennemies. C'est l'académie qui m'a appris à me battre dents et ongles pour conserver ma place, à courir toujours plus loin, toujours plus vite pour rester la meilleure, voire marcher sur les autres pour éliminer la concurrence. De petite provinciale, je passais au statut de reine new-yorkaise du football américain, et, en deux ans, nous remportiions deux fois le titre de championnes d'état, puis de championnes nationale. Nous étions auréolées de gloire, et le football universitaire s'est imposé comme une évidence à chacune d'entre nous. Durant deux ans, nous avions été amies, nous nous étions entraidées à devenir les meilleur, et après la graduation, il nous fallait tirer un trait sur tout cela, car nous étions toutes éparpillées au travers des cinquante états.
J'ai choisi Yale, ou plutôt, Yale m'a choisi. Meilleure bourse, meilleure université, j'ai choisi une majeure en droit pour satisfaire les exigences de l'éducation, mais au final, je savais très bien que sans mon pied gauche et son coup infaillible, je serais restée vendre des beignets à Malone.
Lors du premier match universitaire, je me suis retrouvée contre deux de mes anciennes amies de l'académie. Froides, hautaines, elles connaissaient mes faiblesses et tapaient en plein dedans, comme des machines de guerre. En 90 minutes, j'ai compris que le monde du sport était loin d'être aussi idyllique que tout le monde veut bien le croire, et en rentrant au vestiaire, je laissais derrière la porte mes amitiés, mes alliances, les autres, et décidait de ne me concentrer plus que sur ce qui était important : moi. En deux ans à Yale, j'avais mis à profit toutes mes vieilles camaraderies, et avais permis quelques victoires grâce à quelques phrases ou quelques tacles bien placés. En deux ans, la victoire à tout prix côtoyait le plaisir du sport, et j'étais devenue la petite reine du foot universitaire. C'est le genre de choses qui vous monte vite à la tête, le succès, il vous fait tournoyer dans tous les coins. Toute personne saine d'esprit penserait à s'arrêter, mais pas moi, je suis née Orphée Kinsella, et il n'y aura aucun mur suffisamment épais pour me stopper.

sarah - 17 ans - j'ai connu le forum grâce à bazzart, pendant les vacances ma présence sera dépendante de ma vie sociale - mon personnage est un personnage inventé - j'ai encore quelque chose à dire : i like it ! .

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